LE RENDEZ-VOUS DE VENUS :
Extrait (chap. 1 et 2)

[...]

Que la mémoire est une chose étrange ! Cette histoire de plaids poitevins, j’en suis absolument certain, cinquante-huit ans après, tel était l'intitulé de l'ouvrage que j'étais censé étudier ce jour-là. Il faut dire que le jour en question fut très précisément celui où je rencontrai pour la première fois l'abbé Jean-Baptiste Chappe d'Auteroche. A la vérité, ce n'était pas exactement la première fois, puisque que nous nous étions croisé souvent entre Sorbonne et Louis-Le-Grand. Il me semblait étrange de le voir si loin du territoire qui nous était imparti, aux confins australs du Luxembourg.

Chappe était un garçon d'une vingtaine d'années dont le visage rond et jovial, la bouche gourmande, les cheveux de jais et l'œil bleu sombre sous un sourcil net lui donnaient un aspect de virilité extraordinaire. Virilité soulignée encore par des joues qui, soigneusement rasées à l'aurore, devenaient bleues à midi. Ses muscles semblaient devoir faire éclater à chaque mouvement les habits noirs de l'abbé. Il était très grand et massif. Plus de six pieds et... Ah sacré nom, alors que le système métrique est l'une des plus intelligentes réformes que nous ait léguées la Révolution, je n'arriverai donc jamais qu'à radoter mes pouces et mes coudées ! Chappe mesurait un mètre, huit décimètres et cinq centimètres ... À peu près. Je pensai alors que cet homme-là devait plaire aux femmes.

En le voyant perdu dans ses pensées, je m'amusai à lâcher un tonitruant " Bonjour, monsieur l'abbé ", rien que pour le plaisir de le voir sursauter, le sachant, malgré ses allures d'athlète, d'un naturel distrait. Il ne sursauta pas, mais pour répondre à mon salut, lança son index vers son chapeau. Dans le mouvement, son coude se leva et le portefeuille qu'il tenait serré sous son bras chuta sur les gravillons de l'allée. En ce début de mois de mars - cela faisait donc sept mois que j'étais à Paris - il soufflait un vent frisquet, qui emporta sur la pelouse quelques papiers échappés de la serviette tombée à terre. Je me lançai à leur poursuite. J'arrivai enfin à les ramasser, jetai un œil dessus, et revins, en les lisant, vers l'abbé. Il tendit la main pour les récupérer, mais je continuai à examiner les documents. Enfin, je levai la tête et dis en lui tendant les feuilles ramassées :

- Vous travaillez donc sur les tables de Halley, monsieur l'abbé ?

En prononçant ces mots, je devais être bien fat. Chappe émit un sifflement admiratif et dit :

- Eh bien mon garçon, si je m'attendais à ce qu'un enfant... Vous alliez chez le père Désastre ?

Tel était le sobriquet du libraire dont la boutique jouxtait l'Observatoire, et qui répétait avec fierté qu'il était " le libraire des astres et des planètes ".

- Oui-da, mon garçon, répliquai-je avec insolence, vexé que ce grand dadais me traitât comme un gamin. Et moi, ajoutai-je, je m'étonne qu'un ecclésiastique essaie de violer les mystères de la divine Providence.

L'abbé Chappe rougit, s'excusa mille fois de sa grossièreté, puis mille nouvelles fois quand je lui appris mon âge en me vieillissant de deux ans. Je n'avais pas encore compris que mon intérêt était au contraire de m'afficher en enfant prodige.

- Comprenez, m'expliqua-t-il comme pour se justifier, je ne suis pas entré dans les ordres par vocation, mais ce costume me permet de vivre décemment tout en me consacrant à la science. D'ailleurs, je ne suis pas le seul dans ce cas. Dès que le titre de savant me procurera enfin une considération et une existence moins équivoques, je renoncerai à cet état. Et vous ?

- Mon propre maître, le père Béraud, à Lyon, m'a suggéré de faire de même, mais ma famille s'y est opposée.

Plantés au milieu de l'allée, nous devînmes les meilleurs amis du monde. Il m'entraîna dans un cabaret voisin où nous bavardâmes longtemps. Pour lui montrer que ma connaissance des tables de Halley n'était pas fortuite, je me lançai dans un dithyrambe du calcul des trois corps, me scandalisant que son inventeur Clairaut n'eût pas la place qu'il méritait dans la constellation de l'astronomie française, et qu'il y avait sans doute conspiration et jalousie contre lui.

- Une conspiration contre Clairaut ? répliqua Chappe. Allons donc ! La faute n'en revient qu'à lui : trop de filles, trop de vin, pas assez de travail. Mais, si vous voulez, accompagnez-moi. J'ai rendez-vous avec lui dans un café de la rue Gît-le-Cœur. S'il n'est pas déjà ivre, je suis sûr que vous l'intéresserez beaucoup. Vous lui rappellerez sa jeunesse.

- Il fut en son temps, je crois, un mathématicien assez brillant

- Aussi brillant que précoce. Du moins à ce que m'en a dit mon maître Cassini. Trop précoce, sans doute, trop de facilités, ajouta-t-il en me lorgnant. Il est vrai que son père, lui-même géomètre, lui avait enseigné les lettres de l'alphabet sur les figures des Eléments d'Euclide. À douze ans, il lisait à l'Académie un mémoire qu'il avait rédigé sur quelques courbes du quatrième degré. À dix-huit ans, le voilà lui-même académicien, puis il accompagne Maupertuis en Laponie ...

- D’où il revient et rédige une Théorie de la figure de la Terre, dans laquelle il confirme la théorie de Newton ! l'interrompis-je pour lui montrer que je connaissais Clairaut aussi bien que lui.

- Connaissez-vous l’histoire des mandarines ? fit Chappe brusquement, un peu piqué.

- Heu, a-t-elle quelque rapport avec cette discussion ?

- Figurez-vous, poursuivit Chappe avec un petit air de triomphe, que mon maître Cassini avait parié avec Clairaut que notre bon vieux globe terrestre avait la forme d’un citron, c’est-à-dire enflée aux pôles et aplatie à l’équateur. Clairaut revint de Laponie avec la preuve du contraire. Comme vous le savez, Newton avait raison, la Terre est plutôt mandarine. Cassini dut payer son pari, faisant venir à grands frais du sud de l’Espagne une caisse de ces fruits rares et juteux. Clairaut a dû en attraper quelque indigestion, et il ne s’en est jamais vraiment remis!

- Et son coup d'éclat du calcul des trois corps ? Il y a trois ans à peine, il osait remettre en cause les prédictions de Halley sur la comète, tout en imposant à l'Académie l'optique newtonienne.

- Oui mais après, plus rien, ou pas grand-chose. Comme si un ressort s'était brisé en lui.

- Vous oubliez ses Eléments de Géométrie et d'Algèbre qui ne sont pas si anciens que cela et qui ont fait quelque bruit jusque chez les Jésuites Lyonnais, c'est dire !

Le bavard balaya mon objection d'un revers de main :

- Deux ouvrages qui tiennent plus du bilan que de l'invention. Enivré par sa célébrité, Clairaut n’a eu de cesse de fréquenter les salons à la mode, troussant tout ce que Paris compte de marquises savantes, vidant la cave de leurs maris et oubliant du même coup sa mission de géomètre. À l’exception d'un manuel de mathématiques élémentaires, rien de neuf. Quel gâchis ! Mais ça ne l'empêche pas d'être un homme extraordinaire. Il a encore, à trente-cinq ans, des éclairs de génie, et il sait conseiller les jeunes gens de notre âge. Cet homme, en vérité, je le vénère, moi qui ne suis qu'un tâcheron...

Sur le moment, je crus que le portrait que Chappe me faisait de Clairaut m'était adressé comme une leçon et qu'il voulait me mettre en garde contre moi-même, contre l'évidente facilité de mes dons. C'était lui prêter des intentions jésuitiques qu'il n'eut jamais. Mais comment aurais-je su alors combien Jean-Baptiste, mon cher Jean-Baptiste, était le meilleur d'entre nous, le plus pur, parfois jusqu'à la niaiserie, de cette pureté qui fait les martyrs ? Et il mourut en martyr de la science, criblé par les flèches du soleil, ou de Vénus c’est tout comme, il y a trente-sept ans de cela. Ah, mais j’anticipe !

Sur le moment, je lui coupai la parole avec agacement :

- Je vous ai menti, Chappe, je n'ai pas dix-huit ans, mais seize.

- Je vous absous, mon fils, répliqua mon nouvel ami. Mais de grâce, appelez-moi d’Auteroche. Non pas que je mette une quelconque affectation dans l’usage de ce modeste titre ...

- Sans vouloir vous offenser, l’interrompis-je, il n’y a de bonne noblesse que celle de l’esprit.

- Précisément, mais pour certains qui ont l’esprit teinté de raillerie facile, " Chappe ", avouez-le, cela sonne trop comme couvercle, soutane ou autre protection peu glorieuse.

- Mais vous en portez une, de soutane ! fis-je en riant.

- Justement, et ce n’est point la peine d’en rajouter, rit-il à son tour. Je ne serai jamais cardinal, et point ne porterai l’habit à capuce doublé d’hermine !

Pour tenter de guérir sa profonde timidité, d’Auteroche, puisqu’il fallait l’appeler ainsi, noyait chacun de ses propos sous des mots d'esprit souvent douteux, se moquant de lui et de son état ecclésiastique. J'appris par la suite que l'abbé Chappe d'Auteroche était de la famille de ce comte qui répliqua si bravement aux Anglais à la bataille de Fontenoy : " tirez les premiers ", mais mon ami ne s'en vantait pas.

Cette rencontre avec l'abbé fut aussi pour moi une rencontre avec la chance. Depuis le début de mon séjour à Paris, je n'étudiais plus mathématiques et astronomie qu'en cachette, comme un vice honteux, jouant au basochien zélé, craignant à tout moment que mon tuteur n'allât dénoncer à mon père mes escapades loin des item juridiques et coutumiers. De surcroît, une obscure retenue que je m’étais imposée m'avait jusqu'à présent interdit l'entrée du collège Royal, où Delisle donnait des cours publics. Delisle qui, lui aussi, était mon voisin puisqu'il avait son observatoire à l'Hôtel de Cluny. Et voilà que cet échalas d’Auteroche me parlait de lui, de Clairaut, de Cassini, de Maraldi, de Le Monnier, de d'Alembert, comme s'ils avaient élevé les cochons ensemble. Sur le moment, je crus qu'il voulait m'écraser sous le nombre de ses relations. Ce n'était pas dans les manières de mon trop modeste ami. De plus, croiser un apprenti - astronome sur le chemin de l'Observatoire n'avait rien d'une extraordinaire coïncidence. In fine, il était tout à fait normal que Chappe connût des célébrités aussi remarquables. Il n'y avait à Paris guère plus qu'une cinquantaine de personnes à faire profession d'astronome, de mathématicien, de géomètre, et parmi ceux-là combien de vieilles barbes qui continuaient à chercher, là-haut, la preuve de l'existence de Dieu au lieu de contribuer, ici-bas, aux progrès de la navigation, par exemple.

Tout en devisant ainsi, après être sortis du cabaret, d’Auteroche et moi remontâmes la rue Saint-Jacques et pénétrâmes à nouveau dans le Quartier latin. Il poussa comme un vieil habitué la porte d'un de ces innombrables cafés qui proliféraient à l'époque. Je n'avais jamais osé y entrer, persuadé que ma mine d’enfant m’en eût fait refouler sur le champ. Dans un nuage de fumée reflété par de nombreux miroirs, des joueurs d'échecs, graves, poussaient le bois. Ailleurs, des messieurs aux allures anxieuses parlaient à voix basse comme s'ils avaient peur d'être espionnés par la maréchaussée. Il y avait tant de conciliabules que ces chuchotements s'élevaient en un véritable brouhaha. D’Auteroche me nomma certains de ces hommes :

- Voyez donc Philidor en train de roquer. Le meilleur joueur du monde à ce qu’on dit, et son pauvre adversaire doit être tout ému. Excellent musicien au demeurant. Et puis là, Garrick, vous savez, l’acteur anglais, un vrai cabotin ... Et là encore ...

Je n’écoutais déjà plus les noms de ces gens qui semblaient fort célèbres, mais dont j'ignorais tout. Mes seuls héros, jusqu'alors, étaient astronomes et mathématiciens. Un panthéon fort simple : Leibniz était le diable et Newton, Dieu. En dessous, anges et démons n'avaient guère d'importance. Du côté des philosophes, c'est tout juste si j'avais entendu parler de Voltaire, mais sans en avoir lu une ligne. Chappe me promit alors de me prêter deux ouvrages qui venaient d'être publiés et faisaient grand bruit, chacun dans leur genre, L'Esprit des Lois et Les Bijoux Indiscrets. Il me montra du doigt l'auteur de ce dernier ouvrage, fort léger précisa-t-il d’un air entendu, un athlète au profil de Romain et aux allures bon enfant, vêtu comme un simple artisan et qui parlait avec volubilité.

Tout étonné de ce mélange de bourgeois, de prêtres et d'aristocrates qui se côtoyaient là sans contrainte et sans avoir l'air de craindre le cachot, je me sentis étourdi par une lourde et capiteuse odeur dominant même celle du tabac.

- C'est le café, m'expliqua d’Auteroche.

- Ça sent plutôt le fagot, l'abbé, et ce bon Diderot aurait intérêt à se faire oublier quelque temps! dit une voix derrière nous.

L'homme qui avait prononcé cela d’un ton léger devait être un peu plus âgé que Chappe. Un grand nez bosselé, des yeux vert d’eau, de longs cheveux blond roux plaqués sur le front - car il ne portait pas perruque - lui donnaient une allure de barbare, à peine atténuée par une bonhomie un peu distante.

- Permettez-moi, sire chevalier, répartit d’Auteroche, de vous présenter Jérôme-Joseph Lalande. Ce jeune homme, seize ans à peine, fait preuve de connaissances étonnantes en mathématiques. Je crois que nous tenons là une bonne recrue.

Je devais avoir l'air benêt, moi, le fils du maître de poste bressan, en me laissant broyer la main par l'authentique gentilhomme Guillaume Joseph Hyacinthe Le Gentil de la Galaisière. Pourtant, Le Gentil, comme il se faisait couramment appeler, ne semblait faire aucun cas de ses origines aristocratiques. Il était vêtu fort simplement, parlait et riait haut, rustre parfois à force de se vouloir familier. De petite fortune, il ne possédait que quelques arpents dans le Cotentin, non loin de son Coutances natal, une ferme et ses dépendances qui devaient remonter au moins au Conquérant de même prénom. Comme d’Auteroche, de trois ans son cadet, il avait dû prendre l'habit pour pouvoir monter à Paris, y faire mine de suivre des études de théologie, avant de gagner enfin sa vie par la science astronomique. Ils s’étaient rencontrés sur les bancs du collège Louis-le-Grand, et Chappe l’avait entraîné aux cours de Delisle, où il mit un zèle si extraordinaire à l’étude de l’astronomie et de la géométrie qu’il jeta sa soutane aux orties.

Le Gentil gardait dans sa tenue quelque chose de vaguement ecclésiastique, mais qui ne faisait pas illusion, contrairement à Chappe affichant clairement son état. Toutefois, on sentait une sorte de connivence entre eux, quelque chose dans l'attitude qui n'était pas seulement due à leur amitié ou à leur profession. Sans doute eux-mêmes n'en étaient-ils pas conscients. Mais moi qui n'étais pas de leur caste, je le voyais parfaitement.

Quel fossé nous sépare de ce temps-là ! Moi-même qui, pourtant, me suis battu toute ma vie contre les préjugés et l'intolérance, j'ai du mal à mesurer le progrès, que dis-je ? le bouleversement profond qui s'est fait dans notre pensée. Aujourd'hui, je me soucie comme d'une guigne de savoir si tel ou tel de mes interlocuteurs est catholique, protestant, juif, mahométan ou brahmane, alors qu'en ce temps je " soupçonnais " le pauvre Chappe d'être parpaillot. Quant à savoir le nombre de quartiers de noblesse que comptait le défunt Le Gentil, je m'en fiche bien ! Mais, à seize ans, traînant sous mes semelles nombre de générations serviles, je ne pouvais que me sentir vassal du seigneur normand. Je montrai donc, ce jour-là, dans mon premier café, une révérence obséquieuse à ce nobliau de sept ans mon aîné. Il me considéra en disant :

- L'extrême précocité en mathématiques est un phénomène mystérieux, mais somme toute courant. Bizarrement, passé trente ans, chez ces anciens enfants prodiges, les choses se gâtent. Regardez Clairaut. Ses coups de génie sont tous derrière lui. Après vingt-cinq ans, pfutt ! fini, plus rien. Moi, je n'ai pas eu cette chance. Ou cette malchance, c’est selon. Je ne serai jamais qu'un bon observateur, un géomètre appliqué. Méfiez-vous de votre génie, mon garçon, essayez plutôt d'avoir du talent.

- Oui, monsieur le chevalier, répondis-je.

- Oubliez le canasson, Lalande. Si Jean-Baptiste me désigne ainsi, ce n'est que par une de ses sempiternelles taquineries. Il croit avoir de l'esprit. Pas vrai, l'abbé ?

- Montons ! répliqua l’interpellé. Clairaut doit commencer à s'impatienter. Et vous savez comment il soigne son impatience.

- Bah, il n'est que midi, il ne doit pas être encore ivre. Permettez-moi un conseil, Lalande : devant Clairaut, ne jouez surtout pas l'effarouché. Brillez, mon cher, brillez, tout en lui montrant que pour vous, géométrie et mathématiques ne sont pas un amusement. Il veut en effet que ces sciences, considérées jusqu'à présent par l'opinion en place comme un aimable passe-temps de gens éclairés, des rêvasseries de personnages croqués par La Fontaine, ou encore des tours de magiciens, deviennent un véritable métier, admis comme utile aux progrès de l'humanité. Deux générations après Newton, vous vous rendez compte de notre retard ?

 

II

Examen de passage

 

Alexis Clairaut nous attendait à l'étage, dans un cabinet.

- Entrez, jeunes gens, dit-il. Installez vous.

Malgré ses trente-cinq ans, l'inventeur du calcul des perturbations avait un aspect fort juvénile, même si des poches sous les yeux, une légère couperose et une tendance à l'obésité prouvaient qu'à l'évidence, l'éminent géomètre ne menait pas vraiment la vie austère que l'on prête volontiers aux savants.

D’Auteroche me présenta à lui de façon encore plus élogieuse qu'il ne l'avait faite avec Le Gentil, exagérant même en disant qu'il ne m'avait fallu qu'un clin d'œil pour reconnaître sur ses papiers envolés les tables de Halley. Clairaut, en m'observant d'un air narquois, me tendit un verre rempli à ras bord d'un vin noir. Je lui dis que je préférerais une tasse de café, " pour goûter " ajoutai-je comme un sot. Chappe éclata franchement de rire, Clairaut se pencha en dessous de la table " pour voir, précisa-t-il, si j'avais encore des sabots ", tandis que Le Gentil, outragé, demanda que l'on cessât de se moquer de moi. Bizarrement, son attitude protectrice m'agaça bien plus que les railleries des deux autres.

Je ne me souviens plus trop de ce qui se passa par la suite. Le café, puis le vin et le repas fort plantureux me mirent dans un état d'excitation telle que je me surpris à expliquer à Clairaut le calcul à trois corps qu'il avait inventé quelques années auparavant. J’affirmai doctement qu'en calculant les perturbations causées par Jupiter et Saturne à la comète dans son attraction vers le soleil, on démontrerait que Halley s'était trompé dans ses prévisions, qu'elle serait en retard au rendez-vous avec la Terre, fixé selon le défunt savant anglais en 1758. Dans dix ans...

Soudain je me tus et restai bouche bée. L'immensité des espaces infinis ne m'avait jamais effrayé plus que cela, mais la marche du temps en revanche... Dix ans me semblait toute une vie, ou plutôt ce n'était rien, cela n'avait aucun sens. Je serais dans dix ans plus vieux que Le Gentil qui me dévisageait férocement de l'autre côté de la table, plus vieux que Chappe qui me lançait des regards désespérés, visiblement terrorisé par l'audace de mes propos. Clairaut, lui, je le pense aujourd'hui, avait dû comprendre ma soudaine panique, puisque qu'il chassa l'ange qui passait en déclarant, non sans se départir d'une indolente ironie :

- Dix ans, mais ce ne sera pas trop, mon jeune ami, pour que vous acheviez le travail nécessaire à cette correction. Il s'agira en effet pour vous de calculer tous les degrés et, pour un siècle et demi, les distances et les forces de Jupiter et de Saturne par rapport à la dite comète. Travail de bénédictin plus qu'herculéen. Tout cela pour montrer que l'homme admirable que fut Halley s'était trompé de quelques mois ? Ne croyez-vous pas, mon cher, que vous feriez mieux de consacrer vos jeunes talents, qui me semblent grands, à d'autres calculs, à d'autres observations bien plus nécessaires au progrès humain ?

- Mais Newton ... commençai-je à protester.

- J’ai récemment démontré devant l’Académie que la loi de gravitation en carré inverse de la distance est inadéquate pour décrire le mouvement de la Lune, susurra-t-il...

J'allais cette fois m’insurger lorsque d’Auteroche me coupa la parole, moitié pour me sauver, moitié pour aborder le sujet qui l'avait fait venir à ce rendez-vous : les conclusions d'un mémoire qu'il voulait communiquer à l'Observatoire, mais qu'il préférait auparavant soumettre à Clairaut. À l'audition de sa lecture, interrompue seulement par quelques corrections de forme du " maître " et quelques questions de Le Gentil, je compris que j'avais beaucoup de chemin à faire avant d'atteindre le niveau de compétence de Chappe d’Auteroche, et a fortiori de Clairaut. Je n'intervins d'ailleurs pas quand les trois autres débattirent, une fois la lecture terminée, de la meilleure manière de présenter cet ouvrage à Jacques Cassini, car visiblement, le directeur de l'Observatoire se montrait très pointilleux et formaliste ; il avait ses exigences, ses manies dont mes nouveaux amis s'amusaient beaucoup. Les savants que j'admirais n'étaient donc pas de purs esprits, mais des hommes de chair et de sang, avec leurs passions terrestres, leurs ambitions, leurs avidités, leurs jalousies. Ils mangeaient, aimaient, dormaient et buvaient, parfois même plus que de raison.

Comme l'atmosphère semblait se détendre à nouveau, j'osai interrompre Le Gentil qui dissertait d'un ton badin sur une question que je considérais être de vulgaire mécanique. Clairaut leva la main sèchement pour me faire signe de me taire. Je rougis jusqu'aux oreilles, en comprenant brutalement que les trois hommes continuaient de travailler. Je me renfrognai dans mon coin, n'écoutant plus, les maudissant pour ne pas me maudire. Je sursautai quand Clairaut m'interpella, jovial :

- Vous avez tort, monsieur Lalande, de ne pas vous intéresser à la question de l'horlogerie. Elle est aussi essentielle que l'observation ou le calcul. D'ailleurs, maintenant que nos amis en ont fini, il faut nous pencher sur votre cas. Vous me paraissez fort doué, mais le don n'est jamais que de l'instinct. Nous devons mettre un peu d'ordre dans vos lectures brouillonnes et les leçons cahoteuses des pères jésuites de Lyon. Essayons, messieurs, de lui établir un programme d'études clair, méthodique et qui lui laissera le loisir de se déniaiser un peu. Je vous demanderai, mon cher Chappe, de ne pas intervenir dans cette deuxième partie de nos débats, où vous n'êtes guère compétent...

Chappe haussa les épaules. Et les voilà qui me dressent un emploi du temps pour le moins touffu, dans lequel j'étais censé passer mes journées et une partie de mes nuits entre l'Observatoire avec Cassini, le Collège royal pour écouter Le Monnier, l'hôtel de Cluny pour travailler avec Delisle. Le reste de mon temps - car il en restait - aurait été consacré à fréquenter les cabarets avec Clairaut, les salons à la mode avec Le Gentil et les philosophes avec Chappe.

- Mais, protestai-je, si mon père apprend que j'ai abandonné mes études de droit, il me fera revenir de force au pays.

- Il est vrai que le garçon est mineur, rappela Le Gentil, et qu'il n'a pas la chance, comme Jean-Baptiste, de pouvoir cacher son télescope sous une soutane.

- Vous devenez grossier, Le Gentil, protesta Chappe en riant. Je vous rappelle que vous aussi, jusqu'à votre majorité, vous passiez pour un séminariste fort dévot.

- ... Et qui avait avec le ciel certains arrangements, ajouta Clairaut. C'est sans doute le Dieu des armées qui lui commanda un jour de me voler en un tournemain la pétulante petite vicomtesse de...

- Pas de nom, Clairaut, pas de nom ! s'exclama Le Gentil. Et puis, vous aviez déjà suffisamment profité des dites ardeurs de la donzelle.

Un peu effrayé de ces propos blasphématoires, je ricanai, surtout à voir les mines outrées que prenait Chappe d’Auteroche.

- Pour ce qui est de votre père, Lalande, dit Clairaut de nouveau sérieux, ne vous inquiétez pas. J'ai quelques amis à l'Université à qui je peux demander de faire croire à Bourg-en-Bresse que vous êtes le plus assidu des Sorbonnards. Votre pension ?

- Mon père se montre, je crois, généreux.

- Parfait ! Demain, je vous habille. Pourquoi un apprenti savant porterait-il nécessairement des vêtements de défroqué ?

- Peuh, soupira Le Gentil.

- Le chevalier Don Quichotte de La Galaisière et autres lieux peut se permettre d'avoir des traces de tabac sur un pourpoint froissé ; pas le fils du maître de poste Lalande.

- Vous avez raison, opina Le Gentil. Comme toujours.

 

Le lendemain matin, à l'aurore, je me réveillai avec un abominable mal de tête. Mes excès de la veille ne m'avaient guère réussi. Je m'apprêtais, grognon, à partir pour mon cours de droit romain, quand on frappa à ma porte. Clairaut entra. Malgré mes protestations de timidité, il me traîna jusqu'aux appartements et à l'observatoire de Delisle qui logeait à l'hôtel de Cluny, à deux pas de ma garçonnière.

L'éminent professeur nous fit attendre quelque peu dans l'antichambre. Voyant que je m’impatientais, Clairaut me prévint:

- Vous savez sans doute que notre homme a passé vingt-deux ans à Saint-Pétersbourg, où il fut appelé par Pierre le Grand pour organiser l’astronomie dans ce pays et y fonder un grand observatoire. Il en est revenu il y a quelques mois à peine. Depuis lors, il cherche à vendre au gouvernement français la considérable bibliothèque qu’il a acquise là-bas à moindres frais, et il est fort occupé à cette affaire...

Au même instant, un homme à la grise allure de clerc, portant sous le bras des liasses de documents, sortit de chez Delisle. Ce dernier nous accueillit enfin dans son bureau. Je crus au premier regard que nous le dérangions dans un rude travail, car il se montra fort bougon. Puis, pendant qu'il bavardait avec Clairaut de la pluie, du beau temps et de sa bibliothèque, je remarquai que sa table était vide de tout papier à l'exception d'un seul, vierge, qu'il avait sous les yeux ; la plume qu'il tenait en main gouttait sur le buvard, prouvant qu'il venait de la tremper dans l'encrier. Ses joues étaient grises de barbe, sa perruque de travers et ses bas de chausse godaillaient sur des pantoufles éculées. Il émanait de lui une vague odeur de fauve. À l’évidence, le vénérable savant n'était pas, comme il voulait le faire croire, au bureau depuis l'aube. Tout au contraire, notre visite l'avait fait tomber du lit. Cette constatation me ravit au plus haut point.

- On m'a rapporté, dit Clairaut à Delisle, que ton secrétaire t'avait quitté.

- Quitté ? Ah ouiche ! Je l'ai flanqué dehors à coups de bottes. Cet abruti, au lieu de reporter sur papier mes observations, se livrait à des considérations métaphysiques sur ce prétendu Grand Horloger sans qui l'univers ne serait qu'un chaos. Tu vois le genre ? Il n'avait qu'une seule qualité, sa fort belle écriture. Mais voilà qu'un jour, il me déclama que ce serait pour moi la consécration que d'ôter aux planètes et aux étoiles leur toponymie païenne pour les baptiser du nom des apôtres, des archanges, des prophètes et des saints. Tu connais ma patience, Alexis. Aussi lui montrai-je fort aimablement la porte. Ne riez pas, monsieur Lalande, ça n'a rien de drôle. C'est à ce genre de choses que l'on s'attache, en France, et à de pires encore, tandis qu'à Londres ou à Berlin, seules comptent la science et la vérité. Si je comprends bien, Alexis, tu veux me proposer cet enfant comme secrétaire. Possède-t-il une belle écriture, au moins ?

- Cela, maître, je peux vous le montrer tout de suite, répliquai-je en tendant la main vers la plume qui s'asséchait.

- Très bien, très bien, grogna Delisle. Mais dis-moi, Alexis, ton protégé a-t-il aussi quelques notions de mathématiques ?

- Je te le promets, répliqua Clairaut. Ce garçon me semble plus un calculateur, comme moi, qu'un observateur ou un géographe, comme toi. Lalande est un géomètre dans l'âme.

- Ça lui passera, rétorqua Delisle. Jaugeons-le un peu. Voyons ... Savez-vous ce qu’est la parallaxe ?

- Monsieur, je ne serais point digne de vous être présenté si j'ignorais que la parallaxe est la mesure d'une distance à partir de celle d'un angle...

- Poursuivez ...

- Si je puis me permettre une image simple ... fis-je en hésitant sur le ton à adopter dans cet examen improvisé.

- Faites, faites. Admettons un instant que je sois votre jeune élève.

Clairaut, qui s'était confortablement installé dans un large fauteuil pour nous écouter et avait fermé les yeux, esquissa un sourire amusé.

- Hé bien, continuai-je, supposons que j'observe la flamme d'une bougie située à dix pieds de moi, d'abord avec mon seul œil droit, ensuite avec mon seul œil gauche. J'aurai l'impression que la position de la flamme bouge par rapport à l'arrière-plan. Si j'éloigne la bougie, disons à cinquante pieds, et si je ferme à nouveau et alternativement l'œil gauche puis l'œil droit, le déplacement de la flamme me paraîtra cinq fois plus petit. La parallaxe varie en effet en raison inverse de la distance.

- Fort bien, mais encore ?

- La parallaxe, repris-je d’un voix plus affermie, la parallaxe est donc l'angle sous-tendu à la bougie par l'écartement de mes yeux. Si cet angle est connu et l'écart de mes yeux mesuré, j’en déduis la distance de la bougie. Remplacez la bougie par le Soleil, l’arrière-plan par les étoiles fixes, mes yeux par deux stations d'observation à la surface de la Terre, et j’obtiens la distance du Soleil !

- Mon jeune ami, vous me semblez avoir quelque facilité à expliquer simplement la géométrie. A défaut de devenir astronome, vous ferez peut-être un honorable précepteur...

Je sentis un peu de raillerie dans le ton du maître. Comprenant que j'avais peut-être parlé avec trop d'assurance, je me fis à nouveau humble:

- Je vous remercie, monsieur, mais à dire vrai, je n'ai fait que répéter comme un perroquet les explications de mon bon maître Béraud.

- Allons, pas de fausse modestie. Dans toute l'histoire de l'astronomie, à laquelle je m'intéresse fort, il n'y a guère de quête plus profonde que celle que vous me racontez-là. Mesurer la distance de la Terre à la Lune, au Soleil et aux étoiles, les plus grands astronomes de l’histoire s’y sont essayés en vain. Eratosthène d’Alexandrie a mesuré correctement le diamètre terrestre, mais Aristarque, Hipparque et Ptolémée ont grossièrement sous-estimé la parallaxe solaire. Même Tycho, le grand Tycho, a commis une erreur considérable.

- L’angle de visée est en effet très faible, murmurai-je.

- Et les longitudes, que faites-vous des longitudes?

- Je crois comprendre que pour apprécier avec justesse la parallaxe solaire, il faut connaître avec précision les positions des stations d'observation en longitude, rapportées au même méridien. Celui de Paris, par exemple.

- Et cela, nous ne savons toujours pas le faire ! rugit Delisle. Je me tue à le répéter au ministère depuis mon retour de Pétersbourg, il faut combiner l'Horlogerie, la Mécanique, la Géométrie, l'Astronomie et la Marine ! Mais ces imbéciles ...

- Voyons, Delisle, intervint Clairaut comme s’il se réveillait, ce jeune homme n'est pour rien dans le désintérêt actuel de la Cour pour nos disciplines, et vous allez l'effrayer avec vos colères!

- Vous avez raison, fit Delisle d’un ton radouci. Mais, enchaîna-t-il aussitôt en enflant de nouveau la voix, la déclinaison de l'aiguille aimantée varie, comme tout le monde sait, suivant les lieux et les temps, et partant les cartes magnétiques seront toujours insuffisantes. Le compas de route ni le loch n'indiquent pas si la marche du vaisseau a été accélérée ou retardée, s'il a été détourné par la dérive ou par quelque courant. Avec ces instruments, le navigateur ne peut se passer de l'Astronomie. L'Astronomie peut se passer d'eux. La découverte des satellites de Jupiter, en perfectionnant les cartes marines, a suffi pour produire une révolution dans l'esprit humain et dans les relations commerciales et diplomatiques.

Il se tut un instant, songeur. Je ne savais quelle contenance adopter. Mais mon examinateur revint à son affaire :

- Bon, bon, voilà que je m’emporte encore. Reprenons notre petit examen. Voyons, sauriez-vous calculer à quelle distance correspond, à la surface de la terre ou en mer, une imprécision d’un demi-degré en longitude ? Telle est notre incertitude actuelle, comme vous le savez peut-être ...

Il me désigna la plume et l’unique feuille de papier blanc qui se trouvaient sur son bureau. Je griffonnai en hâte quelques chiffres. Mon cœur battait à tout rompre dans la crainte de commettre une erreur, qui aurait été due davantage à l’émotion qu’à mon ignorance. Au bout de deux minutes, je répondis enfin :

- Ce demi degré équivaut à dix lieues sous l'équateur; à huit lieues deux tiers sous le parallèle de trente degrés; à sept, sous celui de quarante-cinq.

Delisle parut surpris.

- Comment vous prénommez-vous ?

- Jérôme-Joseph, monsieur

- Ah, comme moi. Bien, bien ... Alors, monsieur Joseph ou Jérôme qui savez tout, vous aurez peut-être une petite idée sur la façon de procéder pour mesurer l'univers mieux que nos maîtres du passé ?

- Cela je l'ignore, monsieur. Je ne suis qu'un modeste apprenti.

- Hé bien moi je vous le dis, il faut pointer les planètes inférieures, vous entendez, les planètes inférieures!

- Vous voulez parler de Mercure sans doute...

Delisle haussa les épaules.

- Bah, il y a plus de vingt-cinq ans, j'ai observé le passage de Mercure devant le Soleil, mais je n’ai pu déterminer sa parallaxe.

- Cette planète bouge trop vite peut-être, avançai-je.

- Bien vu, jeune homme. Je me suis rendu à Londres pour en discuter avec Halley. Ce gentilhomme m'accueillit fort bien. Il me donna une copie de ses tables astronomiques inédites. Celles-là même que j’ai publiées l’an dernier, et qui vous intriguèrent tout récemment, à ce que l’on m'a dit...

- Je voue la plus vive admiration aux prédictions de Monsieur Halley sur le retour de la comète. Et plus encore, à la loi de la gravitation universelle de Monsieur Newton, sans laquelle cette prédiction n’eût pas été possible.

- Je dois dire que Newton lui-même m’a réservé un accueil fort aimable, fit Delisle avec une certaine suffisance. Le vieux lion était assez imbu de sa personne. Savez-vous ce qu'il m'a offert en souvenir de notre rencontre? Un portrait de lui ! Plus exactement, une copie de portrait, car il était fort avare. Tenez, le voici!

Je sursautai, m'attendant à voir paraître, tel un fantôme, l'ombre immense du savant que je déifiais. Delisle me désignait simplement un portrait joliment encadré, posé sur le tablier de la cheminée.

- Oui mais voilà, nos deux grands hommes sont morts, et nous allons passer le siècle à vérifier leurs théories. Sans ennui si possible ! ajouta-t-il en partant d’un gros rire accompagné d’un clin d'œil à Clairaut.

Le mathématicien haussa les épaules, un brin agacé. Sur le moment, je crus qu'il manifestait sa réserve à accepter complètement les théories de l’Anglais. Je ne compris que plus tard le calembour de Delisle, lorsque je racontai mot pour mot cet entretien à Chappe d’Auteroche. Il m’expliqua qu’au retour de l'expédition en Laponie, à laquelle Clairaut avait participé, Voltaire, déjà ennemi de Maupertuis, lui avait adressé cette perfide paire d’alexandrins : "Vous allâtes en des lieux pleins d'ennui vérifier / Ce que Newton trouva sans sortir de chez lui".

- Mais revenons à nos planètes. Exit Mercure! Que reste-t-il ?

- Il reste Vénus, fis-je.

- Vénus, précisément. Et j'y songe, à Vénus, j'y songe. Mais nous aurons le temps d'en reparler.

- Alors, le verdict? fit Clairaut qui s’impatientait.

- Vous êtes embauché, Joseph Lalande. Je ne doute point que vous saurez tirez profit de mes enseignements. Puissiez-vous participer, un jour, au progrès de la Science et de la Raison.