Relation masse-charge pour l'électron
(sur l'électromagnétisme, l'invariance de gauge et la charge électrique)
Les résultats rapportés dans cette page html ont été publiés dans les références suivantes:
"Scale-Relativity: First Steps toward a Field Theory".
"Scale Relativity and Fractal Space-Time: Application to Quantum Physics, Cosmology and Chaotic systems".
Nature du champ électromagnétique
La théorie de la relativité d'échelle permet de jeter une lumière nouvelle sur la nature du champ électromagnétique et sur la signification physique de l'invariance de gauge [8,6], [11, Appendice B3]. Jusqu'à maintenant, seules des transformations d'échelle (zoom) en un point donné ont été considérées. Mais nous devons aussi nous demander ce que deviennent les structures en échelle d'un objet dépendant d'échelle (en particulier, un électron) quand il est déplacé d'un point à un autre. Considérons n'importe laquelle de ces structures, se trouvant à une certaine résolution (relative) e (telle que e < l, où l est la transition fractal /nonfractal --pour fixer les idées, la longueur de Compton de l'électron) pour une position donnée de la particule. Sous une translation, la relativité des échelles implique que la résolution à laquelle cette structure donnée apparaît à la nouvelle position sera a priori différente de la résolution initiale. En d'autres termes, e est maintenant une fonction des coordonnées spatio-temporelles, e = e(x,t), et nous nous attendons à l'apparition de dilatations des résolutions induites par les translations, ce qui s'écrit:
e de /e = - Am dx m , (16)
où un quadri-vecteur Am doit être introduit puisque dx m est lui-même un quadri-vecteur et dlne est un scalaire (dans le cas d'un dilatation globale). Ce comportement peut être exprimé en termes d'une nouvelle dérivée covariante-d'échelle:
e Dm ln(l/e) = e dm ln(l/e) + Am . (17)
Toutefois, si on veut que le "champ" Am soit physique, il doit être défini quelle que soit l'échelle dont nous sommes partis. Partant d'un autre échelle e' = re (nous ne considérons ici que la relativité d'échelle Galiléenne), nous avons e de' /e' = -A'm dxm, de sorte que nous obtenons:
qui ne dépend que de l'"état d'échelle" relatif , V = lnr = ln(e/e'), pas des échelles individuelles, comme on s'y attendait à partir du principe de relativité d'échelle. A présent, si on considère une translation le long de deux coordonnées différentes (ou, de façon équivalente, un déplacement sur une boucle fermée), on peut écrire une relation de commutation qui définit un champ tensoriel Fmn = dm An - dn Am . Ce champ est, contrairement à Am, indépendant du facteur d'échelle. On reconnait dans Fmn l'analogue d'un champ électromagnétique, en Am celui d'un potentiel électromagnétique, en e celui de la charge électrique, et en l'Eq. 18 la propriété d'invariance de jauge qui, en accord avec les idées initiales de Weyl et leur développement par Dirac [22,23], retrouve son statut initial d'invariance d'échelle. Cependant, l'Eq. 18 représente un progrès comparé à ces anciennes tentatives et au statut de l'invariance de gauge dans la physique actuelle. En effet, la fonction de jauge c(x,y,z,t) qui intervient dans la formulation ordinaire de l'invariance de jauge, A'm = Am + e dm c, et qui a, jusqu'à présent, été considérée comme arbitraire, est maintenant identifiée au logarithme des résolutions internes, lnr(x,y,z,t) .
Un autre avantage par rapport à la théorie de Weyl est que nous sommes maintenant autorisés à définir quatre dilatations différentes et indépendantes sur les quatre résolutions spatio-temporelles au lieu d'une seule dilatation globale. On s'attend alors à ce que le champ U(1) ci-dessus soit plongé dans un champ plus large (en accord avec la théorie électrofaible) et à ce que la charge e soit un élément d'une charge, "vectorielle", plus compliquée.
Du reste, notre interprétation de l'invariance de jauge apporte un point de vue nouveau sur la nature de la charge électrique. Combinée avec la structure Lorentzienne des dilatations de la relativité d'échelle restreinte, elle permet d'obtenir de nouvelles relations entre les charges et les masses des particules élémentaires [6,8], comme on le rappelle dans la suite(Eqs. 37 et 40, Figs. 1 et 2).
Nature de la charge électrique
Dans une transformation de gauge Am = A0m - dm c, la fonction d'onde d'un électron de chargee devient:
y = y0 ei e c . (19)
Dans cette expression, le rôle essentiel joué par la fonction de jauge (considérée en général comme "arbitraire") est clair. C'est la variable conjuguée de la charge électrique, de la même manière que la position, le temps et l'angle sont les variables conjuguées de l'impulsion, de l'énergie et du moment angulaire dans les expressions de l'action et/ou de la phase quantique d'un particule libre, q = (px - Et + sj). Notre connaissance de ce que sont l'impulsion, l'énergie, et le moment angulaire vient de notre compréhension de la nature de l'espace et du temps, du point de vue de leurs symétries (translations et rotations), via le théorème de Noether. Inversement, le fait que nous ne sachions toujours pas réellement ce qu'est la charge électrique en dépit de tout le développement des théories de gauge, vient, de notre point de vue, du fait que la fonction de jauge c reste considérée comme dénuée de signification physique.
Nous avons réinterprété dans le paragraphe précédent la transformation de jauge comme une transformation d'échelle de résolution, e0 -> e, V = lnr = ln (e0/e). Dans une telle interprétation, la propriété spécifique qui caractérise une particule chargée est la dépendance d'échelle explicite envers la résolution de son action, donc de sa fonction d'onde. Le résultat net est que la fonction d'onde de l'électron s'écrit
y = y0
exp [i (e2/h c) V]
. (20)
Puisque, par définition (dans le système d'unités où la permittivité du vide est 1),
e2 = 4p a
h c , (21)
l'Eq. (20) devient,
y = y0 ei 4paV . (22)
Ce résultat nous a permis de suggérer une solution au problème de la nature de la charge électrique (il fournit aussi de nouvelles relations masse-charge, voir plus loin). En effet, considérant maintenant la fonction d'onde de l'électron comme une fonction explicitement dépendante de la résolution, nous pouvons écrire l'équation différentielle d'échelle dont y est solution comme:
-i h dy
/d(eV /c) = e y
. (23)
Nous reconnaissons en -i h d /d(
e lnr / c) un opérateur
de dilatation D. L'équation
(23) peut alors être lue comme une équation aux valeurs
propres:
D y = e
y . (24)
Dans un tel cadre, la charge électrique est comprise comme la quantité conservative qui vient de la nouvelle symétrie d'échelle, à savoir, de l'uniformité de la "dimension" de résolution lne.
Dans le paragraphe précédent, nous avons suggéré d'élucider la nature de la charge électrique comme étant la valeur propre de l'opérateur de dilatation correspondant aux transformations de résolution. Nous avons écrit la fonction d'onde d'une particule chargée sous la forme:
y' = ei 4pa ln(l/e) y . (34)
Dans le cas galiléen une telle relation ne conduit à aucun nouveau résultat, puisque ln(l/e) est illimité. Mais dans notre cadre relativiste d'échelle restreint [7], [3, chapt.6], les lois d'échelle deviennent lorentziennes au dessous de l'échelle l , si bien que ln(l/e) devient limité par C = ln(l/LP), où LP est l'échelle de longueur de Planck. Cela implique une quantification de la charge qui équivaut à la relation 4paC = 2k p, c.-à.-d.:
où k est entier. Introduisant maintenant une échelle de masse courante (running) m et son échelle de longueur courante correspondante r, nous avons C = ln(r / LP) = ln(mP/m).La "constante" de couplagea = a(r) est aussi variable en fonction de l'échelle. (Ici mP est la masse de Planck). L'équation (35) n'est rien d'autre qu'une nouvelle relation générale entre masses et charges (couplages). On peut la voir comme une équation pour l'échelle de masse (et l'échelle de Compton correspondante) qu'on peut maintenant tenter de résoudre en r.
Le premier "objet" auquel on peut essayer d'appliquer une telle relation est l'électron lui-même. Cependant, nous savons de la théorie électrofaible que la charge électrique n'est qu'un résidu d'un couplage électrofaible à haute énergie plus général. On peut définir un couplage électromagnétique inverse a0-1 à partir des couplages à haute énergie U(1) et SU(2):
a0-1 = (3/8) a2-1 + (5/8) a1-1 . (36)
Ce couplage courant est tel que a0 = a1 = a2 à l'échelle d'unification et est relié à la constante de structure fine à l'échelle du Z par la relation a = 3a0/8. C'est a0 plutôt que la constante de structure fine qui doit être utilisé dans l'Eq.(35), car la constante de structure fine à basse énergie est en réalité un résidu (dans lequel seuls les photons sans masse agissent) de l'interaction électrofaible à haute énergie plus complexe (dans laquelle les quatre bosons U(1)Y et SU(2) interviennent). Négligeant dans une première étape les effets de seuils, nous trouvons que l'Eq.(35) est vérifiée à 0.2% près avec k = 2 [6,8]. C'est-à-dire que, nous prédisons que:
où ae
est la constante de structure fine, me
est la masse de l'électron et mP
= (h c /G)1/2
est la masse de Planck. Leurs valeurs expérimentales donnent respectivement
Ce = ln(mP/me)
= 51.528(1) et (3/8)a-1 =
51.388... L'accord est donc à 0.3 %, car on obtient avec ces valeurs:
(8/3)ae ln(mP/me)=1.0027
(voir Figs. 1 et 2).
Figure 1. Variation en fonction de l'échelle de longueur r du couplage "électromagnétique" inverse courant a2-1 + (5/3) a1-1, entre l'échelle de Planck (P) et l'échelle de l'électron (e), et de 8C(r)/3, où C(r) = ln(r/LP) est une "constante" de relativité d'échelle courante. (Le facteur 8/3 prend son origine dans la brisure de symétrie électrofaible). Les deux courbes se coupent très précisément à la valeur expérimentale de l'échelle de Compton de l'électron (donc donnant sa masse), comme on s'y attend théoriquement dans la théorie de relativité d'échelle. Le couplage tracé s'identifie à la constante de structure fine courante inverse a-1 entre les échelles de l'électron et du Z. Sa variation dépend du spectre de masse complet des particules élémentaires.
Figure 2. Vue élargie (par un facteur d'environ 50) de la région autour de l'échelle d'énergie de l'électron dans la Fig. 1, montrant le croisement précis du a-1(r) asymptotique et de 8C(r)/ 3 à la valeur expérimentale de la masse de l'électron.
L'accord est rendu encore meilleur si on tient compte du fait que la constante de structure fine mesurée (à l'échelle de Bohr) diffère de la limite de son comportement asymptotique à haute énergie, et que la même chose est vraie de la masse courante de l'électron (voir Fig. 3).
En effet, à partir du calcul des corrections radiatives à
la loi de Coulomb, on trouve un comportement asymptotique (c.-à.-d.,
valable pour r << le,
où le= h
/ me c est l'échelle de Compton de l'électron)
[36], [3, chap. 6.2]:
a(r) = ae {1 + (2ae/3p) [ ln (le/r) - (g + 5/6) ] } (38)
où ae est la constante de structure fine à basse énergie, telle que (ae)-1 = 137.035990(6) et g = 0.577... est la constante d'Euler. La masse (self-énergie) courante asymptotique de l'électron est donnée par [37], [3, chap. 6.2]:
m(r) = me {1 + (3ae/2p) [ ln (le/r) + 1/4)} (39)
Figure 3. Vue élargie (par un nouveau facteur d'environ 5 en alpha) de la région autour de l'échelle d'énergie de l'électron dans les Figs. 1 et 2, montrant à présent l'effet de seuil autour de l'échelle de Compton de l'électron. Le vrai couplage inverse courant a-1(r) devient plus petit que sa valeur, asymptotique, à haute énergie, quand il approche l'échelle de masse de l'électron, et il tend finalement vers la constante de structure fine (à basse énergie). La valeur -1/4 est le point zéro de a self-énergie de l'électron (Eq.39). On trouve que 8Ce / 3 est égal, à une erreur relative de 10-4près, à la valeur asymptotique aas-1 à cette échelle (Eq.40).
Nous identifions maintenant la constante de relativité d'échelle C= ln (mP/me) à (3/8 fois) la valeur de la constante de structure fine asymptotique à l'échelle où la selfénergie de l'électron égale sa masse. On obtient la relation:
ln (mP/me) = (3/8) ae-1 + (1/4p) (g + 13/12 ). (40)
On peut interpréter cette relation comme signifiant que la masse de l'électron est principalement d'origine électromagnétique. En effet, les deux membres de cette relation [ 51.528(1) contre 51.521 ] s'accordent expérimentalement à ~10-4 près (différence relative). Plus précisément, on trouve pour les valeurs expérimentales corrigées des effets de seuil: (8/3)ae ln(mP/me)=1.00014. La principale incertitude provient de la constante de gravitation G, qui intervient dans le calcul de mP.
L'équation (40) peut être utilisée pour prédire théoriquement la masse de l'électron à partir de la valeur expérimentale de la constante de structure fine. On trouve me(th) = 1.007 me(exp). Cela signifie qu'on ne peut pas rendre compte complètement de la masse (self-énergie) de l'électron de cette façon, car elle est connue expérimentalement avec une incertitude de 0.3 ppm. Cette différence peut être la signature, soit d'un traitement incomplet des effets de seuils, soit de l'existence d'une autre contribution, p.ex., d'origine faible, à la masse de l'électron.
Références
[3] Nottale L., Fractal Space-Time and Microphysics: Towards a Theory of Scale Relativity (World Scientific, London, 1993).
[6] Nottale L., Chaos, Solitons and Fractals, 7 (1996) 877.
[7] Nottale L., Int. J. Mod. Phys. A7 (1992) 4899.
[8] Nottale L., in "Relativity in General", (1993 Spanish Relativity Meeting, Salas, Spain), Ed. J. Diaz Alonso, (Editions Frontières, 1994), pp.121-132.
[11] Nottale L., Astron. Astrophys. 327(1997) 867.
[22] Weyl H., in "The Principle of Relativity", (Dover publications, 1918), p. 201.
[23] Dirac P.A.M., Proc. Roy. Soc. Lond. A 333 (1973) 403.
[36] Landau, L., & Lifchitz, E., Relativistic Quantum Theory (Mir, Moscow, 1972).
[37] Itzykson, C., & Zuber, J.B., Quantum Field Theory (McGraw-Hill, 1980).