La théorie de la relativité d'échelle consiste à appliquer le principe de relativité aux transformations d'échelle (en particulier aux transformations des résolutions spatio-temporelles). Dans la formulation d'Einstein1, le principe de relativité consiste à exiger que les lois de la nature soient valides dans tout système de coordonnées, quel que soit son état. Depuis Galilée, ce principe avait été appliqué aux états de position (origine et orientation des axes) et de mouvement du système de coordonnées (vitesse, accélération), états qui ont la propriété de n'être jamais définissables de manière absolue, mais seulement de manière relative entre deux repères. Il en est de même en ce qui concerne les problèmes d'échelle. L'échelle d'un système ne peut être définie que par rapport à un autre système (seuls des rapports d'échelle ont un sens, jamais une échelle absolue), et possède donc bien la propriété fondamentale de relativité. Dans la nouvelle approche, on ré-interprète les résolutions, non plus seulement comme propriété de l'appareil de mesure et/ou du système mesuré, mais comme propriété intrinsèque à l'espace-temps, caractérisant l'état d'échelle du référentiel au même titre que les vitesses caractérisent son état de mouvement. Le principe de relativité d'échelle consiste alors à demander que les lois fondamentales de la nature s'appliquent quel que soit l'état d'échelle du système de coordonnées.
Nous allons, dans la présente contribution, tenter d'expliciter
la structure des développements (déjà réalisés,
en cours et en projet) d'une telle approche théorique2.
Il s'agit d'un programme à long terme, qui a déjà
donné des résultats partiels (en particulier, certaines prédictions
théoriques ont maintenant reçu des confirmations observationnelles,
comme celle de structures gravitationnelles universelles depuis l'échelle
des systèmes planétaires jusqu'à des échelles
extragalactiques ou encore la valeur de la constante cosmologique) mais
qui reste essentiellement ouvert: en effet, de nombreuses voies de recherche
impliquées par ce programme n'ont encore été qu'effleurées.
Au cours et à l'occasion de cette description, nous essaierons de
montrer en quoi le concept de relativité d'échelle peut nous
permettre de réviser celui d'espace-temps.
1. Abandon de l'hypothèse de différentiabilité
Si l'on analyse l'état de la physique fondée sur le principe de relativité jusqu'à Einstein, on constate que c'est l'ensemble de la physique classique, y compris la théorie de la gravitation à travers la relativité généralisée du mouvement, qui est fondée sur lui. La physique quantique, bien que compatible avec les relativités galiléenne et restreinte du mouvement, semble y échapper en ce qui concerne ses fondations. On peut alors se demander si une nouvelle généralisation de la relativité qui incluerait les effets quantiques (ou au moins certains d'entre eux) dans ses conséquences reste possible. Or généraliser la relativité, c'est généraliser les transformations envisageables entre systèmes de coordonnées, c'est donc généraliser la définition de ce que sont les systèmes de référence possibles, et c'est finalement généraliser les concepts d'espace et d'espace-temps. La relativité générale d'Einstein repose sur l'hypothèse que l'espace-temps est riemannien, c'est-à-dire descriptible par une variété au moins deux fois différentiable: autrement dit, on peut définir un continuum d'événements spatio-temporels, puis des vitesses qui sont leur dérivées, puis des accélérations par une nouvelle dérivation. Dans ce cadre, les équations d'Einstein sont les plus générales des équations les plus simples qui soient covariantes dans des transformations de coordonnées deux fois différentiables.
De même que le passage de la relativité restreinte à
la relativité généralisée est permise par un
abandon d'hypothèse restrictive, (celle de la platitude de l'espace-temps
à travers la prise en considération d'espaces-temps courbes),
une nouvelle ouverture est alors possible par l'abandon de l'hypothèse
de différentiabilité. Il s'agira de décrire un continuum
spatio-temporel qui ne soit plus forcément partout différentiable.
2. Conséquence : dépendance explicite (divergence) des coordonnées en fonction des résolutions, caractère fractal de l'espace-temps
La deuxième étape de la construction consiste à récupérer un outil physico-mathématique qui pourrait sembler avoir été perdu dans une telle généralisation. L'outil essentiel de la physique, depuis Galilée, Leibniz et Newton, ce sont les équations différentielles. Abandonner l'hypothèse de la différentiabilité de l'espace-temps, donc de celle des systèmes de coordonnées et des transformations entre ces systèmes, n'est-ce pas abandonner les équations différentielles ?
Ce problème crucial peut en fait être contourné grâce à l'intervention d'un concept nouveau en physique de l'espace-temps: celui de géométries fractales. Par leur biais, on peut traiter de non-différentiabilité à l'aide d'équations différentielles.
Cette possibilité résulte du théorème suivant3, lui même conséquence d'un théorème de Lebesgue. On démontre qu'une courbe continue mais presque partout non dérivable possède une longueur dépendant explicitement de la résolution à laquelle on la considère, et tendant vers l'infini quand l'intervalle de résolution tend vers zéro. Autrement dit, une telle courbe est fractale au sens général donné par Mandelbrot4 à ce terme. Appliqué à un système de coordonnées d'un espace-temps non-différentiable, ce théorème implique une géométrie fractale pour cet espace-temps5, aussi bien que pour le référentiel. De plus, c'est la dépendance en fonction des résolutions elle-même qui résoud le problème posé. Considérons en effet la définition de la dérivée, appliquée par exemple à celle de la vitesse:
v(t) = limdt->0[x(t+dt) - x(t)] / dt (1)
La non-différentiabilité est la non-existence de
cette limite. Celle-ci étant de toutes façons physiquement
inatteignable (l'atteindre effectivement nécessiterait une énergie
infinie d'après la relation temps-énergie de Heisenberg),
on redéfinit v comme v(t,dt), fonction
du temps
t et de l'élément différentiel dt
identifié à un intervalle de résolution. La question
n'est alors plus la description de ce qui se passe à la limite,
mais bien du comportement de cette fonction au cours de zooms successifs
sur l'intervalle
dt.
3. Principe de relativité et de covariance d'échelle, portant sur les transformations (contractions et dilatations) des résolutions spatio-temporelles
Il s'agit ainsi de compléter notre description actuelle, qui
est faite en terme d'espace (de positions), d'espace-temps ou d'espace
des phases, par un espace des échelles. De même que les vitesses
caractérisent l'état de mouvement du système de coordonnées,
on considérera que les résolutions caractérisent son
état d'échelle. La nature relative des intervalles de résolution
temporel et spatials s'impose d'elle-même: seul un rapport d'intervalles
de longueur ou de temps peut être défini, jamais leur valeur
absolue, comme en témoigne la nécessité d'avoir toujours
recours à des unités. Cette relativité des échelles
permet de postuler un principe de relativité d'échelle, selon
lequel les lois fondamentales de la nature doivent s'appliquer quel que
soit l'état d'échelle du système de référence.
Dans ce cadre, on appelle covariance d'échelle l'invariance de forme
des équations de la physique sous les transformations des résolutions
spatio-temporelles. (Prendre garde au fait que cette expression a été
introduite par d'autres auteurs en un sens légèrement différent,
comme généralisation de l'invariance d'échelle).
4. Recherche des équations différentielles en échelle satisfaisant au principe de relativité d'échelle
Les différentes grandeurs physiques, au premier rang desquelles
les coordonnées et les vitesses elle-mêmes, sont maintenant
considérées comme dépendant explicitement des résolutions.
Quelle est la nature de cette dépendance ? On répondra à
cette question en considérant qu'elle doit satisfaire à des
équations différentielles dans l'espace des échelles.
Autrement dit, on considérera un zoom infinitésimal lne->
lne
+ dlne, et l'on cherchera
à définir comment la grandeur considérée s'est
elle-même transformée au cours de ce zoom, en imposant que
cette transformation doit satisfaire au principe de relativité d'échelle.
4.1. Identification des lois de puissance fractales ordinaires (à dimension fractale constante) comme relativité galiléenne d'échelle
4.1.1 Groupe de Galilée des transformations d'échelle
Les lois de puissance rencontrées dans les comportements
fractals auto-similaires peuvent être identifiées comme les
plus simples des lois recherchées: elles correspondent en ce qui
concerne les échelles à ce qu'est l'inertie du point de vue
du mouvement. On peut s'en assurer facilement en appliquant une transformation
de résolution à une longueur mesurée sur une courbe
fractale, (qui décrira en particulier une coordonnée dans
un système de référence fractal):
L = L0 (l0/e)d, (2)
où D = 1+d est la dimension fractale, supposée constante à ce niveau d'analyse. Sous une transformation d'échelle e-> e', on obtient:
lnL' = lnL + d ln(e/e') (3a)
d' = d (3b)
où l'on reconnait la structure mathématique du groupe de transformation de Galilée entre systèmes inertiels: la substitution (mouvement -> échelle) se traduit par les correspondances x -> lnL, t-> d, v-> ln(e/e'). Noter la manifestation de la relativité des résolutions du point de vue mathématique: elles n'interviennent que par leurs rapports et l'échelle arbitraire l0 a disparu dans la relation (3a).
En accord avec l'analyse précédente du statut des résolutions en physique, la dimension d'échelle joue pour les échelles le rôle joué par le temps en ce qui concerne le mouvement, et le logarithme du rapport des résolutions celui de la vitesse. La loi de composition des dilatations écrite sous forme logarithmique confirme cette identification avec le groupe de Galilée:
ln(e"/e) = ln(e"/e') + ln(e'/e) , (4)
formellement identique à la composition galiléenne
des vitesses,
w = u + v.
4.1.2. Brisure spontanée de l'invariance d'échelle
L'expression (2) est invariante d'échelle. Cette invariance
est spontanément brisée par l'existence du déplacement
et du mouvement. Changeons en effet l'origine du système de coordonnées.
Nous obtenons
L = L0 (l0/e)d + L1 = L1 ( 1 + (l1/e)d ) (5)
où l1 = l0
(L0 /
L1)1/d.
Alors que l'échelle l0
restait arbitraire, l'échelle l1
(qui reste relative du point de vue de l'espace-temps) prend le sens d'une
échelle de brisure de symétrie d'échelle (autrement
dit, de transition fractal-non fractal dans l'espace des échelles).
En effet, il est aisé de constater que poure
>> l1, L ~
L1
ne dépend plus de la résolution, tandis que pour e
<< l1, on récupère
la dépendance en échelle donnée par (2), asymptotiquement
invariante d'échelle.
4.1.3. Plus simple équation différentielle en échelle
Or ce comportement (5), qui satisfait donc au double principe de
relativité du mouvement et d'échelle, est précisément
obtenu comme solution de la plus simple des équations différentielle
en échelle qu'on puisse écrire (équation du premier
ordre, ne dépendant que de
L lui-même, cette dépendance
étant développable en série de Taylor):
dL / dlne = b(L) = a + b L + ... (6)
La solution de (6) est effectivement donnée par l'expression
(5), avec
d = -b, L1
= -a/b, sachant que l1
est une constante d'intégration.
4.1.4. Espace-temps-djinn à cinq dimensions
Notons pour finir le renversement essentiel de point de vue impliqué
par la présente approche en comparaison avec la description usuelle
d'objets fractals. Ce renversement est parallèle, en ce qui concerne
les échelles, à celui qui fut opéré pour les
lois du mouvement dans le passage de lois "aristotéliciennes" aux
lois galiléennes.
Du point de vue aristotélicien, le temps est la mesure du mouvement: il se définit donc à partir de l'espace et de la vitesse. De même, la dimension fractale est définie par Mandelbrot à partir de la mesure sur l'objet fractal (par exemple la longueur d'une courbe) et de la résolution:
"t = x / v" <->d = -dlnL / dlne
Avec Galilée, le temps devient une variable primaire et la vitesse se déduit de l'espace et du temps, qui se retrouvent sur un même plan, sous forme d'un espace-temps (qui reste cependant dégénéré car la vitesse limite c y est implicitement infinie). Le caractère vectoriel de la vitesse et son aspect local (finalement mis en oeuvre par sa définition comme dérivée de la position par rapport au temps) s'affirment. Le même renversement peut s'appliquer aux échelles. La dimension d'échelle d devient elle-même variable primaire, traitée sur le même plan que l'espace et le temps, et les résolutions sont alors définies comme dérivées à partir de la coordonnée fractale et de d. Ce sens nouveau et fondamental donné à la dimension d'échelle rend nécessaire de lui attribuer un nouveau nom. Nous l'appellerons "djinn" dans la suite (dans des articles précédents, nous avions proposé le terme "zoom", mais celui-ci est déjà connoté et s'applique naturellement à la "vitesse relative d'échelle", ln(e'/e)). Il s'agit donc de travailler dans un espace-temps-djinn à cinq dimensions. Le caractère vectoriel des zooms est alors apparent, car les quatre résolutions spatio-temporelles peuvent maintenant se définir à partir des quatres coordonnées d'espace-temps et du djinn:
vi = dxi / dt <-> -lnem = dlnLm / dd
On pourrait objecter que du point de vue des mesures, c'est à L et e que l'on a accès et que le djinn s'en déduit. Mais on remarquera qu'il en reste de même de la variable temporelle, qui reste toujours mesurée de manière indirecte.
Un dernier avantage de ce renversement sera apparent dans la suite, dans les tentatives de construction d'une relativité d'échelle généralisée. Il permet en effet la définition d'un concept nouveau, celui de l'accélération d'échelle, Gm = d2lnLm / dd2, nécessaire au passage à des lois d'échelle non linéaires et à une "dynamique" d'échelle.
L'introduction de ce concept permet de renforcer encore l'identification des fractals à dimension constante à une "inertie d'échelle". En effet, l'équation "du vide" en échelle doit s'écrire (à une dimension pour simplifier l'écriture):
G = d2lnL / dd2 = 0 (7)
Elle s'intègre comme
dlnL / dd = -lne = constante (8)
La constance de la résolution signifie ici son indépendance
en fonction du djinn d. La solution prend
finalement la forme attendue (2), L = L0 (l0/e)d
.
4.2. Généralisation : relativité restreinte d'échelle, lois de dilation log-lorentziennes, nouveau statut de l'échelle de Planck, covariance d'échelle.
C'est avec la relativité restreinte d'échelle que
le concept d'espace-temps-djinn prend tout son sens. Cependant, celle-ci
n'a été développée, jusqu'à maintenant,
qu'à deux dimensions, une dimension d'espace-temps et le djinn.
Un traitement complet à cinq dimensions reste à faire.
La remarque de la section précédente suivant laquelle les lois fractales standard (à dimension fractale constante) ont la structure du groupe de Galilée implique aussitôt une possibilité de généralisation de ces lois. En effet, on sait depuis les travaux de Poincaré6 que, en ce qui concerne le mouvement, ce groupe n'est qu'un cas très particulier et dégénéré du groupe de Lorentz. Or on peut montrer7 qu'à deux dimensions, sur les seules hypothèses que la loi de transformation recherchée soit linéaire, interne et invariante par réflexion (hypothèse déductibles du principe de relativité restreinte), on trouve comme seule solution physiquement admissible le groupe de Lorentz: celui-ci correspond à une métrique minkowskienne (l'autre solution possible est la métrique euclidienne, qui conduit à des absurdités physiques).
Désignons par L la différence L = L - L1 , qui décrit le comportement fractal asymptotique (ce qui permet de prendre en compte automatiquement la transition fractal-non fractal l). En fonction du rapport de dilatation r dans une transformationentre échelles de résolutions e->e', la nouvelle transformation d'échelle log-lorentzienne s'écrit7:
ln (L'/L0) = [ ln (L/L0) + dlnr ] / [ 1 - ln2r / ln2(l/L) ]1/2 , (9a)
d' = [ d + lnr ln (L/L0) / ln2(l/L) ] / [ 1 - ln2r / ln2(l/L) ]1/2 . (9b)
La loi de composition des dilatations prend la forme:
ln (e'/l) = [ ln(e/l) +lnr ] / [ 1+ lnrln(e/l) / ln2(l/L) ] . (10)
Précisons que ces lois ne sont valables qu'en deça de l'échelle de transition l (respectivement, au delà de cette échelle de transition dans l'application de cette loi vers les très grandes échelles). Comme on peut le constater sur ces formules, l'échelle L est une échelle de résolution invariante sous les dilatations, innatteignable (il faudrait une dilatation infinie à partir de toute échelle finie pour l'atteindre) et indépassable. Nous avons proposé de l'identifier, vers les très petites échelles, à l'échelle spatio-temporelle de Planck, lp = (hG/c3)1/2 = 1.61605(10) x 10- 35 m et tp = lp / c, qui possèderait alors les propriétés physiques du point zéro tout en restant finie. Dans le cas macroscopique, on l'identifie à l'échelle de longueur cosmique donnée par l'inverse de la racine de la constante cosmologique8.
En quoi cette nouvelle loi de dilatation change-t'elle notre vision de l'espace-temps ? A un certain niveau, elle implique une complication du fait de la nécessité d'introduire une cinquième dimension. Ainsi la métrique d'échelle s'écrit à deux variables:
ds2 = dd2 - (dlnL)2 /C02 , avec C0 = ln (l0 / L) (11)
L'invariant ds définit un "djinn propre", ce qui signifie que, bien que la dimension fractale effective soit devenue variable (D' = 1+d' suivant (9b)), la dimension fractale dans le repère propre ("entrainé" -- en échelle-- avec le système considéré) est restée constante.
Mais on peut également remarquer que la dimension fractale tend maintenant vers l'infini quand l'intervalle de résolution tend vers l'échelle de Planck. En allant à des résolutions de plus en plus petites, la dimension fractale passera donc successivement par les valeurs 2, 3, 4, ce qui permettrait de couvrir une surface, puis l'espace, puis l'espace-temps à l'aide d'une unique coordonnée. Il est donc possible de définir un espace-djinn minkowskien nécessitant, dans des repères fractals adéquats, seulement deux dimensions aux très petites échelles. En allant vers les grandes résolutions, l'espace-temps-djinn voit sa cinquième dimension varier de moins en moins vite pour devenir presque constante aux échelles actuellement accessible par les accélérateurs9, et finalement s'évanouir au delà de l'échelle de Compton du système considéré (qui donne la transition fractal-non fractal dans le référentiel de repos), ce qui génère l'espace-temps minkowskien classique.
La relativité d'échelle restreinte et certaines
de ses conséquences ont été développée
plus à fond en ce qui concerne la mécanique relativiste d'échelle,
la définition de nouveaux invariants, et les applications en physique
des hautes énergies10, ainsi que son lien avec les théories
de supercordes11. Une représentation pleinement covariante
d'échelle, et où mouvement et échelles soient traitées
sur le même plan, reste cependant à construire.
4.3. Relativité d'échelle généralisée: transformations d'échelle non-linéaires, champ d'échelle, nouvelle interprétation de l'invariance de jauge et du champ électromagnétique (couplage échelle-mouvement), relation masse-charge...
Il s'agit là d'un vaste champ d'étude. C'est celui
du passage à des transformations d'échelle non-linéaires
et à la dynamique d'échelle, mais aussi de la prise en compte
de résolutions qui dépendraient elle-mêmes des variables
d'espace et de temps. Le premier volet mène au concept nouveau de
champ d'échelle (qui correspond à une distorsion dans l'espace
des échelles par rapport aux lois auto-similaires usuelles12);
le deuxième volet conduit à une nouvelle interprétation
de l'invariance de jauge qui fournit des relations générales
entre échelles de masse et constantes de couplage (charges généralisée)
en physique des particules13. L'une de ces relations permet,
en particulier, de prédire théoriquement la masse de l'électron,
(considérée dans cette approche comme essentiellement d'origine
électromagnétique), en fonction de sa charge.
5. Dynamique induite
Ce domaine sera plus détaillé techniquement dans le deuxième
article joint. Il s'agit d'étudier les effets induits par les structures
internes en échelle sur les lois du mouvement, c'est-à-dire
sur l'espace-temps. On trouve que ces effets se couplent effectivement
aux déplacements et impliquent des dédoublements de variables
ainsi que l'apparition de termes nouveaux dans les équations différentielles.
Cette description conduit à des lois indéterministes de type
quantique (qui s'expriment en terme d'amplitudes de probabilité
complexes, solutions d'équations de type Schrödinger) en deça
de l'échelle de transition fractal-non fractal, qu'on identifie
à l'échelle d'Einstein-de Broglie (pour la particule libre).
5.1. Effets induits par la non-différentiabilité:Trois effets au minimum sont attendus dans la description des géodésiques d'un espace(-temps) non-différentiable:
5.1.1. Infinité de géodésiques
La multiplication à l'infini du nombre de géodésiques
virtuelles dans un espace-temps fractal conduit à adopter une approche
de type fluide et à définir un champ de vitesses v(x(t),t)
sur ce fluide de géodésiques.
5.1.2. Brisure de symétrie (dt <-> -dt)
La nouvelle définition de la vitesse comme fonction explicite
du temps et de l'élément différentiel (§2)
a une conséquence essentielle. Il n'y a pas une définition,
mais deux,
v+(t,dt) = [x(t+dt,dt)
-
x(t,dt)] / dt
(12a)
v-(t,dt) = [x(t,dt) - x(t-dt,dt)]
/ dt
(12b)
qui se transforment de l'une en l'autre par la réflexion
dt<->
-dt. Ces deux vitesses n'ont a priori aucune raison d'être
égales, non plus que leur moyenne (prise sur l'ensemble des géodésiques
en un point donné). C'est ce dédoublement des vitesses, spécifique
de la non-différentiabilité de l'espace-temps (qui va donc
au-delà de son caractère fractal), que nous décrivons
par la définition d'une vitesse complexe, et qui, dans cette interprétation,
serait à l'origine du caractère complexe de la fonction d'onde
en mécanique quantique.
5.1.3. Fluctuations fractales
Chaque géodésique est elle-même fractale, ce
qui implique l'intervention de termes nouveaux dans les équations
différentielles du mouvement moyen. C'est à ce niveau qu'on
injecte les lois d'échelles déduite du principe de relativité
(§4). Suivant le niveau considéré pour ces lois
d'échelle, plusieurs niveaux de la dynamique induite sont donc à
considérer:
Ce cas va correspondre au comportement quantique standard. Dans les situations les plus simples, on obtient, dans l'hypothèse où l'espace est fractal, l'équation de Schrödinger, et dans celle où l'espace-temps est fractal (qui correspond au passage à des vitesses et échelles relativistes du point de vue du mouvement), celle de Klein-Gordon. En ajoutant la brisure de symétrie sur la réflexion de l'élément différentiel spatial (dx <--> -dx), on obtient l'équation de Dirac16.(i) Relativité d'échelle galiléenne, dimension fractale D= 2 (cf 4.1)
On obtient dans ce cas, en première approximation, une équation de Schrödinger généralisée explicitement dépendante d'échelle. Ainsi la dimension D = 2 s'établit comme une dimension critique qui rend cachée la symétrie d'échelle (elle réapparait indirectement dans les relations de Heisenberg). Cette situation mériterait d'être développée plus avant, en utilisant en particulier les méthodes d'intégro-différentiation fractionnaire.(ii) D * 2 (cf 4.1)
L'étude des effets induits d'une dimension variable, où mieux qui devient la composante d'un vecteur comme en relativités restreinte et générale d'échelle ("djinn"), n'a pour le moment été qu'ébauchée13, et seulement sous forme perturbative de "corrections relativistes d'échelle". On s'attend à ce que ces effets se traduisent par des écarts à la mécanique quantique standard aux très hautes énergies atteinte par les futurs accélérateurs tels le LHC.(iii) D variable (cf 4.2 et 4.3)
Les équations de Pauli et Dirac sont obtenues à partir d'un processus généralisé, incluant la brisure de parité différentielle, dx <-> -dx qui s'impose également à un niveau plus profond du fait de la non-dérivabilité16. En ce qui concerne les accélérations, un terme supplémentaire pourrait devoir être introduit, le dédoublement lié à la vitesse ne rendant pas compte de tous ses aspects. Par ailleurs, l'irréversibilité locale qui mène à ce dédoublement des vitesses est supposée annulée une fois les vitesses avant et arrière combinées en une vitesse complexe: une voie de recherche consistera à étudier si un résidu de cette irréversibilité ne peut rendre compte de la violation de CP observée dans certaines expériences raraes de physique des particules. Une autre possibilité de développement consisterait à abandonner la différentiabilité de l'espace des échelles lui-même, ce qui impliquerait de construire une mécanique quantique d'échelle, puis d'en rechercher les effets induits.5.1.4. Autres effets: autres brisures de symétrie, terme supplémentaire dans l'accélération, violation de CP, ...
5.2. Construction d'un opérateur de dérivation prenant en compte ces effets induitsUne fois les différents effets de la non-différentiabilité et de la fractalité décrits dans les déplacements élémentaires, on analyse leurs conséquences sur la variation des différentes grandeurs physiques dans ces déplacements. Ces conséquences sont décrites sous forme de termes supplémentaires aux opérateurs de dérivation ordinaire ("dérivation covariante").
5.3. Equations d'Euler-Lagrange complexes, équation d'Hamilton-JacobiFinalement les équations fondamentales de la physique sont ré-écrites en prenant en compte ces contributions nouvelles, en tentant de le faire à un niveau fondamental (principe de moindre action, équations de Lagrange).
5.4. Equations de Schrödinger, Klein-Gordon, Pauli, Dirac et généralisations via (cf 4.1, D*2), (4.2), (4.3), (5.1.4).On démontre ainsi certaines des équations fondamentales de la mécanique quantique, tout en élargissant leur domaine d'application14 et en en permettant des généralisations.
6. Domaines d'applications
Nous ne développerons pas ici ce point, le présent texte
s'intéressant essentiellement à la structure des développements
théoriques réalisés et envisageables. Rappelons pour
mémoire que des applications ont été proposées
dans plusieurs domaines15:
6.1 hautes énergies,
6.2 formation de structures,
6.3 cosmologie
6.4 autres sciences (voir deuxième article)
Notes
1. Einstein, 1916
2. Pour plus de détails, voir Nottale, 1993, 1996,1998
3. Nottale, 1993, 1996, 1997
4. Mandelbrot, 1975, 1982
5. Nottale et Schneider, 1984; Ord, 1983; El Naschie, 1995
6. Poincaré, 1905
7. Nottale, 1992
8. Nottale, 1993, 1996
9. Voir fig. 4 dans Nottale, 1996
10. Nottale, 1992, 1993, 1996
11. Castro, 1997
12. Nottale, 1997a,b
13. Nottale, 1996
14. Nottale, 1997a
15. Nottale, 1993, 1996, 1997a
16. Célérier et Nottale, 2002a,b
Références
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Célerier (Marie-Noelle) & Nottale (Laurent), 2002a, Scale-Relativity
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Adapté de l'article:
L. Nottale, "Relativité d'échelle : Structure de
la théorie", Revue de Synthèse: "Objets d'échelles",
Tome 122, 4è S. n°1, Janvier-Mars 2001, p.11-25 (PDF)